jeudi 23 novembre 2023

Cabalgata

Lundi 13 novembre.
Nous quittons Buta Ranquil pour une étape de 90 km. La difficulté n’est pas tant dans la distance ou le dénivelé, même si quelques côtes offrent de beaux pourcentages, mais dans la violence du vent.
Nos compagnons argentins craquent au bout de 40 km. Les bourrasques sont terribles, ils mettent pied à terre et finissent en voiture. Ale fera deux aller-retours. Au second, elle proposera aux enfants de les prendre également. Ils seront dispensés des trente derniers kilomètres. Nous finissons l’étape à deux, allégés de quelques sacoches.
Arrivés à Chos Malal, nous dévorons les délicieux sandwichs préparés par Ale. La fringale n’était pas loin.
Mardi 14.
Plus qu’ailleurs, rouler en Patagonie nécessite d’avoir un œil attentif sur la météo.
Nous aurions devant nous un jour et demi de répit, avec un vent acceptable. Après, ce sont trois jours de tempête qui sont annoncés.
Nos amis argentins décident de rester à Chos Malal. Juan est avocat, il en profitera pour travailler à distance.
De notre côté nous préférons partir et tenter de rallier Las Lajas, 160 km plus au sud. Nous ne nous voyons pas attendre une semaine à Chos Malal.
Nous disons au revoir à Noe et Pedro ainsi qu’à Ale et Juan que nous remercions particulièrement pour leur gentillesse, leur générosité et leur dévouement.
Nous parvenons à rouler 105 km, que nous espérons suffisants pour parcourir les 55 km restants avant le début d’après-midi du lendemain.
Nous passons la nuit à la belle étoile, à une centaine de mètres de la ruta 40 et du pont qui enjambe le rio Salado.
Mercredi 15.
8h. En selle, il ne faut pas trainer...
14h. Toujours sur les vélos…
Les trente derniers kilomètres de l’étape sont un calvaire, nous les parcourons à 7 km/h de moyenne. Nous dépassons à peine les 12 km/h en descente.
15h. Nous arrivons enfin au camping municipal de Las Lajas, fatigués mais heureux d’avoir réussi notre pari. Nous sommes au bord de la rivière, l’herbe est verte, les arbres sont grands, ce serait parfait pour installer la tente, mais il nous faut chercher un abri. Après un tour en ville, nous trouvons à louer un petit chalet bleu, parfait pour nous reposer et laisser passer quelques jours agités.
Du jeudi 16 au samedi 18.
Vent +++, pluie et éclaircies. Comme prévu.
 
Dimanche 19.
Nous avions hâte de quitter la ruta 40, c’est désormais chose faite. Nous roulons maintenant en direction des montagnes, à la découverte de nouveaux horizons.
Au départ de Las Lajas, la ruta 242 s’élève progressivement jusqu’au paso Pino Hachado, porte d’entrée sur le Chili. La route devient sinueuse, le paysage change, les premiers araucarias apparaissent. Ces conifères endémiques, se trouvant seulement entre 37 et 40° de latitude sud et entre 900 et 1700 m d’altitude, atteignent 50 m de haut. Ces témoins de l’histoire peuvent avoir deux mille ans… Nous découvrons une autre Argentine. Ça fait du bien !
Nous nous arrêtons quelques kilomètres avant la frontière Chilienne, dans le ranch d’Hernan. Au pays du cheval et des grands espaces, on se dit qu’il serait dommage de ne pas faire une cabalgata. Nous passerons trois nuits dans une petite cabane, dans l’espoir qu’une journée de beau temps s’offre à nous.
Herman est musher. Il a trente-six huskies d’Alaska. Il a également dix chevaux. En hiver, il propose des sorties de chiens de traineau et l’été des randonnées à cheval. Il s’est installé il y a plus de vingt ans au milieu de nulle part. Il a tout construit. Le ruisseau fournit l’eau, le soleil se charge de l’électricité.
Lundi 20.
C’est reparti pour un tour : le vent est terrible.
Auprès du feu, nous passons la plus grande partie de la journée à jouer aux cartes et à manger. Dehors il pleut, quasiment à l’horizontal. La cabalgata attendra demain.  
Vers cinq heures, les enfants partent nourrir les chiens. Une accalmie nous offre ensuite un répit pour une balade de fin d’après-midi.
Mardi 21.
Nous avons de la chance : la pluie a cessé dans la nuit, le soleil est réapparu. C’est parti pour la cabalgata tant espérée.
Hernan nous emmène découvrir les environs dont il connaît les moindres recoins. Loin des chemins et des sentiers, nous traversons les rivières, nous franchissons les névés, nous foulons des terres tantôt herbeuses, tantôt sablonneuses, tantôt volcaniques, nous slalomons entre les araucarias. Nous passons une belle et mémorable journée...
En fin d’après-midi, nous retrouvons notre ami Giuseppe qui arrive de Las Lajas. Il est accompagné de Gaëtan, un autre cyclo-voyageur belge. Nous passons la soirée tous ensemble.
Mercredi 22.
Les enfants donnent une dernière fois à manger aux chiens.
Nous repartons à six. Nous laissons la ruta 242 avant le poste frontière de Pino Hachado pour emprunter la ruta 23. L’eau coule de partout. La chaussée, bien que non asphaltée, est bonne et plutôt sèche malgré les dernières précipitations. Peu avant le sommet du col, le seul passage un peu délicat piègera l’unique véhicule rencontré en chemin.
Les 35 km de descente sur Villa Pehuenia et le lac Aluminé sont une formalité. Nous passons tous les six la soirée dans un petit camping familial, au bord du lac.
Jeudi 23.
Pas un poil de vent. A quand remonte notre dernière journée sans vent ? On ne sait plus trop…
Giuseppe et Gaëtan reprennent leur route, direction le Chili.
De notre côté, nous restons une journée sur place pour nous balader au bord du lac.
Maintenant que nous avons atteint des contrées moins hostiles, nous roulerons sans doute un peu moins pour profiter un peu plus de chaque endroit sympa.

dimanche 12 novembre 2023

Pelotón

Mardi 7 novembre.
Malargüe, jour de grand vent. Nous restons au camping. La gendarmerie nous confirme que les cols de Vergara et Pehuenche n’ouvriront pas avant décembre. Nous ferons donc un peu plus tard un crochet par le Chili, avant l’expiration de notre droit de séjour sur le sol argentin.
A cause de soucis électriques sur leur camion, la famille Permanne est toujours là. Les enfants jouent et travaillent, nous prenons les repas ensemble. Nous terminons la journée par une soirée crêpes.
Mercredi 8.
Prune, Vanille et Théophile ne sont pas contre un petit bout de chemin à vélo. Un fois n’est pas coutume, Cécile, Lison et Anatole troquent donc leurs montures contre un tour en camion. Les enfants adorent !
Nous sommes également accompagnés par deux couples d’Argentins rencontrés au camping : d’un côté Noelia et Pedro qui voyagent depuis 3 mois, de l’autre Juan, accompagné de sa femme Ale qui assure la logistique en voiture pour son projet derecho por la 40.
Au kilomètre 23, Prune, Vanille et Théophile retrouvent David, Apolline et Anatole (n°2) pour la recomposition des familles. Chacun reprend sa route. Salut les amis, à la prochaine !
Quant à nos compagnons argentins, ils sont un peu plus loin derrière. Nous nous retrouvons en milieu d’après-midi dans le petit camping de Yoni, à Bardas Blancas.
Nous nous installons dans un cabanon pour passer la nuit. Nous terminons la soirée tous ensemble autour du feu. 
Jeudi 9.
Journée de 88 km, dont 65 km de ripio, synonyme de difficulté mais aussi de tranquillité et souvent de décors grandioses. Nous ne sommes pas déçus, ni par la difficulté de la piste, ni par les paysages.
Nous partons à sept, mais nous laissons Noelia, Pedro et Juan au kilomètre 62. Ale a pourtant préparé à manger mais nous déclinons l’invitation. Ils passeront la nuit dans une maison abandonnée.
Le vent annoncé nous inquiète. Nous préférons continuer afin de nous rapprocher le plus possible du prochain village qu’il nous faudrait pouvoir rallier le lendemain en fin de matinée, avant le début de la tempête.
Lison est une vraie machine de guerre, étonnante de puissance et d’endurance. Anatole, lui, en a un peu marre mais il s’accroche et persévère jusqu’au bout. La journée est longue, l’effort est intense. Nous sommes fiers d’eux. Leur acharnement et leur patience sont finalement récompensés par un bivouac à la belle étoile, au milieu d’une mer de sable où flottent quelques pierres de lave noire et poussent péniblement quelques buissons.
Nous dégustons notre bol de pâtes avec en décor de fond le cerro Payun, point culminant de cette région à la plus grande densité de volcans au monde.
Vendredi 10.
Après un début de nuit étoilé, le ciel s’ennuage. Le temps change, le vent se lève. Il ne faut pas trainer pour ne pas perdre l’avance prise la veille. Quelques gouttes nous surprennent pendant le petit déjeuner, mais rien de bien méchant.
Les 21 derniers kilomètres de ripio ne sont pas de tout repos, on ne fait quasiment que monter. Nous retrouvons l’asphalte à la laguna Coipo Lauquen où quelques flamants roses nous accueillent.
Nous filons ensuite jusqu’à Ranquil del Norte. Nous pique-niquons au petit camping municipal du village. Il est gratuit, comme c’est parfois le cas en Argentine. Nous préférons cependant trouver refuge dans une petite maison pour y passer les deux prochaines nuits.
Le vent se déchaine certes, mais nous avons retrouvé des paysages plus enthousiasmants.
Juan et Pedro arrivent exténués. Noelia finit l’étape en voiture, avec Ale.
Juan et Noelia investiront la cabane du camping faisant office de toilettes. Juan et Ale dormiront dans leur voiture. Impossible de planter la tente.
 
Samedi 11.
Une grasse matinée, c’est bon !
Côté vent, c’est pire que la veille avec des rafales à 120 km/h. La maison craque, claque et grince, on a l’impression que le toit pourrait s’envoler… Nous finissons la journée sans électricité.
Dimanche 12.
Nous reprenons la route, à sept de nouveau. Ale nous suit en voiture, elle fait les courses et prépare à manger : pique-nique, goûter, dîner, elle s’occupe de tout. Une vraie Maman.
L'étape du jour marque notre arrivée en Patagonie. A Buta Ranquil, nous trouvons dans le jardin d’une señora un bout d’herbe pour planter la tente.
Ce soir, Anatole s’occupe du feu pour cuisiner. Ale a prévu milanesas (escalope de poulet à la milanaise) et pizza, le tout fait maison !