Lundi 13 novembre.
Nous quittons Buta Ranquil pour une étape de 90 km. La difficulté n’est pas
tant dans la distance ou le dénivelé, même si quelques côtes offrent de beaux
pourcentages, mais dans la violence du vent.
Nos compagnons argentins craquent au bout de 40 km. Les bourrasques sont
terribles, ils mettent pied à terre et finissent en voiture. Ale fera deux
aller-retours. Au second, elle proposera aux enfants de les prendre également.
Ils seront dispensés des trente derniers kilomètres. Nous finissons l’étape à
deux, allégés de quelques sacoches.
Arrivés à Chos Malal, nous dévorons les délicieux sandwichs préparés par
Ale. La fringale n’était pas loin.
Mardi 14.
Plus qu’ailleurs, rouler en Patagonie nécessite d’avoir un œil attentif sur
la météo.
Nous aurions devant nous un jour et demi de répit, avec un vent acceptable.
Après, ce sont trois jours de tempête qui sont annoncés.
Nos amis argentins décident de rester à Chos Malal. Juan est avocat, il en
profitera pour travailler à distance.
De notre côté nous préférons partir et tenter de rallier Las Lajas, 160 km
plus au sud. Nous ne nous voyons pas attendre une semaine à Chos Malal.
Nous disons au revoir à Noe et Pedro ainsi qu’à Ale et Juan que nous remercions
particulièrement pour leur gentillesse, leur générosité et leur dévouement.
Nous parvenons à rouler 105 km, que nous espérons suffisants pour parcourir
les 55 km restants avant le début d’après-midi du lendemain.
Nous passons la nuit à la belle étoile, à une centaine de mètres de la ruta
40 et du pont qui enjambe le rio Salado.
Mercredi 15.
8h. En selle, il ne faut pas trainer...
14h. Toujours sur les vélos…
Les trente derniers kilomètres de l’étape sont un calvaire, nous les
parcourons à 7 km/h de moyenne. Nous dépassons à peine les 12 km/h en descente.
15h. Nous arrivons enfin au camping municipal de Las Lajas, fatigués mais
heureux d’avoir réussi notre pari. Nous sommes au bord de la rivière, l’herbe
est verte, les arbres sont grands, ce serait parfait pour installer la tente, mais
il nous faut chercher un abri. Après un tour en ville, nous trouvons à louer un
petit chalet bleu, parfait pour nous reposer et laisser passer quelques jours
agités.
Du jeudi 16 au samedi 18.
Vent +++, pluie et éclaircies. Comme prévu.
Dimanche 19.
Nous avions hâte de quitter la ruta 40, c’est désormais chose faite. Nous
roulons maintenant en direction des montagnes, à la découverte de nouveaux horizons.
Au départ de Las Lajas, la ruta 242 s’élève progressivement jusqu’au paso
Pino Hachado, porte d’entrée sur le Chili. La route devient sinueuse, le
paysage change, les premiers araucarias apparaissent. Ces conifères endémiques,
se trouvant seulement entre 37 et 40° de latitude sud et entre 900 et 1700 m d’altitude,
atteignent 50 m de haut. Ces témoins de l’histoire peuvent avoir deux mille ans…
Nous découvrons une autre Argentine. Ça fait du bien !
Nous nous arrêtons quelques kilomètres avant la frontière Chilienne, dans
le ranch d’Hernan. Au pays du cheval et des grands espaces, on se dit qu’il serait
dommage de ne pas faire une cabalgata. Nous passerons trois nuits dans une
petite cabane, dans l’espoir qu’une journée de beau temps s’offre à nous.
Herman est musher. Il a trente-six huskies d’Alaska. Il a également dix
chevaux. En hiver, il propose des sorties de chiens de traineau et l’été des
randonnées à cheval. Il s’est installé il y a plus de vingt ans au milieu de
nulle part. Il a tout construit. Le ruisseau fournit l’eau, le soleil se charge de l’électricité.
C’est reparti pour un tour : le vent est terrible.
Auprès du feu, nous passons la plus grande partie de la journée à jouer
aux cartes et à manger. Dehors il pleut, quasiment à l’horizontal. La cabalgata
attendra demain.
Vers cinq heures, les enfants partent nourrir les chiens. Une accalmie nous
offre ensuite un répit pour une balade de fin d’après-midi.
Mardi 21.
Nous avons de la chance : la pluie a cessé dans la nuit, le soleil est
réapparu. C’est parti pour la cabalgata tant espérée.
Hernan nous emmène découvrir les environs dont il connaît les moindres
recoins. Loin des chemins et des sentiers, nous traversons les rivières, nous
franchissons les névés, nous foulons des terres tantôt herbeuses, tantôt sablonneuses,
tantôt volcaniques, nous slalomons entre les araucarias. Nous passons une belle et mémorable journée...
En fin d’après-midi, nous retrouvons notre ami Giuseppe qui arrive de Las
Lajas. Il est accompagné de Gaëtan, un autre cyclo-voyageur belge. Nous passons la
soirée tous ensemble.
Mercredi 22.
Les enfants donnent une dernière fois à manger aux chiens.
Nous repartons à six. Nous laissons la ruta 242 avant le poste frontière de
Pino Hachado pour emprunter la ruta 23. L’eau coule de partout. La chaussée,
bien que non asphaltée, est bonne et plutôt sèche malgré les dernières
précipitations. Peu avant le sommet du col, le seul passage un peu délicat piègera l’unique
véhicule rencontré en chemin.
Les 35 km de descente sur Villa Pehuenia et le lac Aluminé sont une
formalité. Nous passons tous les six la soirée dans un petit camping familial,
au bord du lac.
Jeudi 23.
Pas un poil de vent. A quand remonte notre dernière journée sans vent ?
On ne sait plus trop…
Giuseppe et Gaëtan reprennent leur route, direction le Chili.
De notre côté, nous restons une journée sur place pour nous balader au bord
du lac.
Maintenant que nous avons atteint des contrées moins hostiles, nous roulerons
sans doute un peu moins pour profiter un peu plus de chaque endroit sympa.