mardi 20 février 2024

Fin

Du dimanche 11 au mardi 13 février.
Dernière ligne droite. Avion le 21 à Puerto Montt, arrivée à Lyon le 22 au soir.
Après une étape à Ancud, la grande ville du nord de Chiloé, nous arrivons à Guabun. La côte pacifique est bien plus sauvage et bien moins peuplée que la côte maritime de l’île. Voilà une opportunité de pouvoir bivouaquer facilement sans être dérangés, dans un pays où l’accès à la nature est souvent compliqué… et parfois payant.
Après nous être faufilés entre les dunes, nous partons à pied en repérage, à la recherche du spot idéal. Nous trouvons une vaste crique. L’accès nécessite de décharger les vélos puis de les porter, gage de tranquillité. Nous avons le plein d’eau, suffisamment de nourriture et une plage pour nous tout seuls. Le bonheur… Nous partirons quand l’eau manquera.
Malheureusement, en fin de matinée du deuxième jour, nous avons la visite de deux agents de la police maritime. On ne sait trop comment ils sont arrivés jusqu’à nous. Ils nous informent -gentiment mais fermement- que nous n’avons pas le droit de passer la nuit à moins de 80 mètres de la plage.
Nous ne voulons risquer ni l’amende ni les ennuis, nous levons le camp à regret.
En espérant ne pas revoir ces deux-là, nous allons nous poser vingt kilomètres plus loin au bord du golfe d’Ancud. Dernier bivouac du voyage… Déjà un peu d’émotion.
Mercredi 14.
Direction Chacao, petit port d’où nous regagnerons le continent.
Pour passer la nuit, nous avons la chance de rencontrer Antonieta, qui nous accueille dans son jardin. Elle vit seule, avec ses chiens, ses poules et son cheval. Elle est heureuse d’avoir un peu de compagnie et de nous offrir l’hospitalité. Nous passons à ses côtés une belle dernière soirée. Muchas gracias Antonieta !
Jeudi 15.
Après vingt petites minutes de bateau nous foulons à nouveau le continent.
Il n’y a pas grand-chose à se mettre sous la dent de ce côté-là et nous avons désormais hâte d’arriver à Puerto Montt.
Après avoir étudié les itinéraires possibles, nous nous sommes mis d’accord, à l’unanimité : ce sera l’autoroute. Cette partie de la panaméricaine n’est pas trop fréquentée, une large bande d’arrêt d’urgence nous met en sécurité et c’est la route la plus directe.
La seule inquiétude concerne le passage du péage…
Nous nous mettons dans la file de droite, celle des camions. Discrètement, nous la remontons par la droite, jusqu’à la barrière... Elle se lève, le camion démarre. Nous le devançons.
Anatole ne peut s’empêcher de faire coucou à la caméra !
Nous arrivons à Puerto Montt avec un jour d’avance dans une maison que nous avions réservée depuis trois mois. Une dernière fois, nous avons la chance d’être reçus par des gens formidables. Ruben et Paulina nous accueillent comme si nous étions de la famille.
 
Du vendredi 16 au mardi 20.
La sensation est curieuse. Nous voilà entre deux. D’un côté le voyage, qui est fini. De l’autre notre vie d’avant, qui n’est jamais vraiment comme avant après un voyage au long cours, mais qui nous attend encore.
On aurait donc tendance à tourner un peu en rond, cependant on ne s’ennuie pas.
Il nous faut trouver des cartons pour les vélos, les démonter, les emballer, faire les bagages, chercher un moyen de nous rendre à l’aéroport avec tout notre équipement. 
Ruben est d’une aide précieuse. Paulina nous prépare la once, le dernier repas de la journée, qui s’apparente à une sorte de petit-déjeuner allemand. Nous passons de bons moments autour de la table.
Nous achetons des habits aux enfants qui ont bien grandi en huit mois. De leur côté, ils terminent leur carnet de voyage, se remémorent les bons moments vécus, écrivent leurs impressions de voyage.
Depuis une semaine déjà, Anatole rêve chaque nuit de sa chambre, de sa maison et de ses copains. Lison a elle la tête au collège et fait les devoirs demandés par les professeurs pour la rentrée.
Tout se bouscule un peu dans nos têtes. Dans quelques jours les enfants reprendront leur scolarité, Cécile retrouvera le travail, de mon côté j’aurai encore six mois « de liberté ».
On ne sait jamais vraiment comment on appréhendera le retour. Nous aurons cependant la fierté d’avoir réussi notre pari : offrir à nos enfants trois voyages au long cours.
En neuf ans ils auront manqué trois années de scolarité, mais les 25 000 km de vélos qu’ils ont parcourus leur auront apporté bien plus. Leur boîte à souvenirs s’est remplie. Non pas de souvenirs qui emprisonnent mais de souvenirs qui transmettent leur énergie, de souvenirs qui transmettent la force vitale d’expériences uniques.
Ces années de vélo sont des années de formation, elles en valent sans doute bien plus. Si le voyage à vélo est une si bonne école, c’est parce qu’il est une source d’émerveillement, une source d’apprentissage par le biais d’une multitude de petites épreuves, en même temps qu’une grande leçon de modestie. Ils savent que le réel vaut bien mieux que le virtuel, ils savent qu’il y a mille façons d’être humain, ils savent que la nature est plus forte que l’homme.
Ce voyage est le dernier grand voyage que nous partagerons tous les quatre.
Merci Lison, merci Anatole de nous avoir suivis dans ces folles aventures. A vous de jouer maintenant.
 
Et merci à tous, famille, amis et parfois inconnus de nous avoir suivis, encouragés et soutenus. Merci à tous ceux rencontrés en chemin d’avoir rendu ce voyage inoubliable.
24 juillet 2023 - Col de Pichacani, 4 601m - Pérou

samedi 10 février 2024

Vacaciones

Lundi 5, mardi 6 février.
Plus que quinze jours de voyage… « Plus que » pourrait paraître déplacé, quinze jours constituant en soit une belle durée pour des vacances.
Alors nous mesurons bien la chance que nous avons et nous vivons ces quinze derniers jours un peu comme des vacances. Trois jours par-ci, deux jours par-là, chaque journée de vélo nous rapprochant un peu plus de Puerto Montt, notre destination finale.
Nous laissons l’île Lemuy pour nous rendre à Dalcahue, en passant par Castro, la capitale de Chiloé. Outre son église, ses palafitos, maisons de bois soutenues par des pilotis longs et épais, sont remarquables.
Nous trouvons à Dalcahue un petit camping familial au fond du jardin de Veronica.
Nous laissons passer une journée pluvieuse. La petite ville côtière est assez fréquentée, mais la plupart des touristes n’y restent pas, se contentant de descendre puis de remonter dans leur bus, une fois emplètes faites et photos prises. On a beau être en haute saison, nous sommes seuls au camping.
Mercredi 7, jeudi 8.
Après une petite étape de quarante kilomètres, nous nous arrêtons à Tenaun.
Alors que nous pique-niquons face à l’église, nous rencontrons Hector, un ardent défenseur de la culture chilote et des peuples indigènes. En nous regardant manger, il nous explique qu’il a travaillé trois ans avec une ONG pour préparer un texte de loi visant à protéger les communautés de l’exploitation de leurs terres. Il est allé le défendre au parlement national et il est très fier que la loi ait été votée. Mais Hector est avant tout un autodidacte touche-à-tout, à la fois paysan, pêcheur, commerçant, syndicaliste, spécialiste de la culture chilote, de médecine alternative et de biologie marine…
Il a aussi un camping ou tout du moins un endroit pour planter la tente. Nous l’y suivons. Il nous faudra une demi-heure pour faire un kilomètre, poussant et tirant les vélos sur une plage meuble de sable et de galets, seul chemin d’accès à sa propriété. En sueur, nous hissons nos bagages puis nos vélos en haut d’une énorme marche façonnée par l’érosion et les grandes marées. Nous voilà arrivés. Vue sur la mer et les Andes, bruit des vagues et chants des oiseaux : un petit coin de paradis où l’on n’arrive pas par hasard... Nous prenons place sous les pommiers.
Les installations sont plus que rustiques. La douche ne fonctionne pas, les toilettes ne sont pas très accueillantes, l’eau sort marron des robinets, pleine de particules et de bestioles. Nous n’osons pas la boire, même après l’avoir filtrée. Nous nous apercevrons qu’elle est pompée dans une sorte de marre où pataugent et s’abreuvent les vaches…
Alors, plus que pour son « camping », c’est pour l’expérience qu’Hector nous fait vivre que nous le remercions. Nous pêchons crabes et fruits de mer, nous les cuisinons ensemble, nous partageons les repas, il nous raconte ses histoires, il joue au foot avec nous… Gracias Hector !
Vendredi 9, Samedi 10.
C’est ensuite à Quemchi que nous faisons halte. Après deux semaines passées sous la tente, un peu de confort dans un hôtel de bord de mer ne fait pas de mal.
Nous entamerons demain une dernière fois la traversée de l’île pour aller voir l’océan et profiter de nos derniers jours… de vacances.

dimanche 4 février 2024

Costumbres chilotas

Samedi 27, dimanche 28 janvier.
Nous débarquons sur la grande île de Chiloé après vingt heures de navigation.
Assis sur des fauteuils inconfortables, la traversée n’a pas été très reposante. La nuit est rythmée par les arrêts sur les îles. Si la plupart dispose d’un port, au petit matin le bateau accoste sur une plage de galets : aucune infrastructure, pas une habitation, pas un chemin en vue. Un type semblant sorti de nulle part monte à bord avec un gros sac. Mystère et fantasme de l’île déserte…
Dans la ville portuaire de Quellon, nous trouvons un emplacement avec une vue imprenable sur la baie et les montagnes enneigées du continent. Parfait pour passer une journée de repos.
Lundi 29.
Nous partons sillonner et découvrir l’archipel, sa culture, son folklore, son architecture et sa mythologie. Bordée à l’ouest par le Pacifique et à l’est par la mer de Chiloé, l’île principale fait 200 km du nord au sud, ce qui nous laisse largement le temps d’en profiter avant notre retour.
Nous avons adopté ces dernières semaines un rythme de sénateur, avec beaucoup de pauses et peu de kilomètres. Malgré cela, le relief chilote fatigue les organismes. L’alternance de montées et de descentes est incessante, les pourcentages dépassant souvent les 20%...
Nous passons la nuit au bord du lac Natri.
Mardi 30, mercredi 31.
Départ pour l’ouest de Chiloé et le petit village de Cucao, au bord du Pacifique. Le ripio nous donne du fil à retordre, une côte à la pente inhumaine nous oblige à pousser les vélos. Il faudra s’y mettre à trois pour les hisser en haut du mur. L’océan se mérite.
Après avoir retrouvé l’asphalte et longé le lac Huillinco, nous arrivons à destination. Nous découvrons des kilomètres de plages désertes balayées par les vents.
Nous trouvons un chouette camping. Nous installons la tente entre les arayanes à l’écorce orangée et les narcas, sorte de rubarbe géante.
Alors que plus au nord le pays est en proie à de gigantesques feux de forêts, le temps est pluvieux. Rien d’anormal, le climat estival chilote est plutôt frais (entre 15 et 20°C) et humide. Nous profitons des accalmies pour aller jusqu’à l’océan et nous sortons goûter le curanto, plat local à base de poissons, de coquillages, de viandes, de pommes de terre enveloppés dans des feuilles et cuits dans un trou creusé dans le sol par des pierres chaudes.
Du jeudi 1er au dimanche 4 février.
Changement de décor : nous traversons Chiloé d’ouest en est, jusqu’à la mer.
A Chonchi, nous visitons l’une des seize églises chilotes classées par l’Unesco au patrimoine de l’Humanité, avant de prendre le bateau jusqu’à l’île Lemuy.
Les paysages sont dominés par des collines, avec une mosaïque de pâturages, de forêts et de champs cultivés. On pourrait par endroit se croire dans le Charolais.
Nous restons quatre nuits sur l’île Lemuy, dans la ferme de Don Jovenal et de Mabel. Ils sont adorables et aux petits soins, fiers et ravis de nous faire partager leur culture.
A Liucura, nous avons la chance d’assister à la fête du village et à la tradition la plus emblématique de la culture chilote, la minga tiradura de casa. Ici lorsqu’on déménage, on déménage aussi son habitation : la coutume consiste à déplacer des maisons, d’un secteur de l’archipel à un autre, attachées à un bateau, puis tirées sur la terre ferme par les villageois ou un attelage de bœufs.
Sans faire les rabat-joie, nous trouvons plus pratique de traîner une tente.