mardi 3 octobre 2023

Jujuy

Lundi 25 septembre.
Les objectifs de la journée sont modestes : passer la frontière, obtenir des pesos argentins puis rouler une quarantaine de kilomètres avant de poser la tente.
Nous disons au revoir à Yvonne et Alfredo, nos derniers hôtes boliviens. La frontière est à quelques hectomètres. Le premier objectif est rapidement atteint : les formalités côté bolivien ne prennent que quelques minutes. Côté argentin, il faut passer au scanner tous nos bagages, mais l’attente n’est guère plus longue.
Direction ensuite la poste, « el correo », succursale locale de Western Union, pour récupérer le transfert que nous avons effectué en ligne.
En raison de l’inflation galopante les argentins sont prêts à échanger des monnaies stables comme l’euro ou le dollar au double du taux de change en vigueur, afin de se protéger de la dévaluation du peso argentin. Ainsi, il existe deux taux de change : le taux officiel, celui de la bourse et des banques, et le taux populaire, celui de la rue appelé le taux « blue ». Aujourd’hui, contre un euro, on nous donne officiellement 366 pesos (144 pesos il y a un an). Avec le taux blue, on nous donne 861 pesos, soit bien plus du double… Western Union fonctionne avec ce taux blue. En pratique, il suffit de faire un transfert d’argent en ligne, depuis notre compte en euros. Il ne reste ensuite qu’à récupérer l’équivalent en pesos dans une agence.
Malgré la belle enseigne Western Union, le préposé de la poste nous indique qu’ils ne font pas de transfert. Heureusement cinq autres agences sont répertoriées à La Quiaca. Mais la suite est un cauchemar : on nous balade d’agence en agence, les horaires d’ouvertures ne sont pas respectés, on nous fait attendre des heures, on nous fait espérer mais les gens ne viennent pas au rendez-vous... Bref, à cinq heures de l’après-midi, aucune agence n’est capable de nous donner le moindre peso… Finalement, après avoir échangé dans la rue notre billet de 100 dollars de secours, nous échouons lamentablement dans un hôtel, à deux minables kilomètres de notre point de départ. Bienvenue en Argentine !
 
Mardi 26.
Nous quittons La Quiaca par la route 9. Nous retrouvons la pampa, morne et désertique. Les Argentins appellent ça la puna. Ce qui change par rapport à la Bolivie, c’est que ces grands espaces sont devenus, à de nombreux endroits, impénétrables, en raison de clôtures partout présentes et de panneaux indiquant la propriété privée. Les fermes sont modestes. Les troupeaux de vaches ou de lamas sont nombreux.
Des barrages viennent rompre la monotonie d’une progression pénible due au vent de face. Les principaux axes de la province de Jujuy sont bloqués par des communautés autochtones. Nous remontons la file de véhicules par le bas-côté. Les conducteurs alanguis par la chaleur nous regardent passer. Sur les banderoles, les revendications font état de la réforme qui vise à changer la constitution pour encourager l’exploitation du lithium. « L’eau vaut plus que le lithium », « Oui au tourisme, non au lithium », « A bas la réforme ! ». Le territoire se situe dans le très convoité triangle du lithium qui concentre 65 % des réserves mondiales de ce métal extrait des lacs salés…
On nous laisse passer sans encombre. Les autres véhicules attendront encore un peu.  
Nous bivouaquons quelques kilomètres plus loin au pied d’une immense dune de sable. Trois jeunes Argentins sont venus passer la fin de journée à faire du surf. Ils nous prêtent leurs planches et nous nous essayons au sandboard !
Mercredi 27.
Nous quittons petit à petit la puna. Nous descendons le long du rio Grande à sec en cette saison mais qui coule abondamment en été. Le paysage change, les montagnes prennent de la couleur, des arbres ne vont peut-être pas tarder à réapparaître.
Nous croisons sur la route un gros camion, celui d’une famille française en voyage. Ils ont fait demi-tour pour venir à notre rencontre et s’enquérir si nous ne manquons de rien. Ils sont six. Le petit dernier s’appelle Anatole. Nous avons décidé de nous retrouver dans quelques jours à Salta pour passer une soirée ensemble. 
Nous arrivons à Humahuaca, célèbre pour sa quebrada (vallée en français, canyon en anglais) et son petit centre historique, à l’architecture coloniale. Il y a aussi une agence Western Union…
Jeudi 28.
Nous avons passé la nuit dans le petit hôtel de Guillermo et Ana, un couple de retraités adorables. Nous avons aussi réussi à faire effectuer notre transfert via l’agence Western Union. Nos trois cents euros sont convertis en 256 billets de mille pesos, soit deux bonnes liasses pas très discrètes. En Argentine, pas de pièces : les plus grosses coupures sont des billets de 2 000 pesos, l’équivalent de 2,30 € au taux blue.
Nous devons à regret changer d’hôtel, car le wifi ne fonctionne pas. Nous en avons besoin pour réserver une maison en prévision de notre séjour à Salta. Nous passons la journée à nous balader à Humahuaca. Nous découvrons la vie argentine.
Vendredi 29.
Nous reprenons la route 9, de moins en moins agréable de part sa circulation qui se densifie. Le vent se renforce, il vient de face. Nous descendons mais nous appuyons comme des damnés sur les pédales. Nous profitons à peine du paysage, guettant sans cesse dans le rétro les camions et les bus, souvent peu précautionneux avec plus petits qu’eux.
Nous nous engouffrons dans une vallée latérale pour nous couper du vent. Nous trouvons à Purmamarca un petit camping tout simple au pied de montagnes aux sept couleurs.
Samedi 30.
Côté vélo la journée est semblable à la précédente : vent et circulation pénibles. Heureusement nous descendons et nous arrivons désormais à 1 500 m d’altitude. Nous retrouvons une végétation de jungle (les yungas) avec des oiseaux et des arbres vus en forêt amazonienne. C’est également notre première journée sans grand ciel bleu depuis le début du voyage.
Nous trouvons à Yala un camping aux standards argentins : un grand emplacement, une table, des bancs et surtout un énorme barbecue !
 
Dimanche 1er octobre.
Encore un petit bout d’autoroute jusqu’à San Salvador de Jujuy et nous en aurons fini avec le bruit du trafic. A partir d’El Carmen la route 9 se met à serpenter, elle se transforme en petite route de montagne. Deux voitures peuvent à peine se croiser. On se croirait en Corse, les vaches et les cochons ne se privant pas d’occuper la chaussée. Quel bonheur !
Nous nous installons pour la nuit au bord d’un lac, sur un terrain appartenant à un syndicat de pêche et de chasse. Pendant la nuit, nous sommes réveillés par un troupeau de chevaux en liberté galopant autour de la tente. A même le sol, nous ressentons les vibrations jusqu’au plus profond de nos corps. Quelles sensations !
Lundi 2.
Salta n’est plus qu’à une petite quarantaine de kilomètres. Le long de la route, dans chaque prairie, dans chaque jardin, un cheval. L’Argentine est un pays de tradition équestre. Le cheval est un animal essentiel. Le criollo est de petite taille, adapté pour le travail avec le bétail, ou pour les sports équestres. Nous apercevons un gaucho, fier, élégant avec son chapeau de feutre, menant sa monture à un trot vif mais saccadé.
L’entrée dans l’agglomération laisse place aux voitures. Nous empruntons une voie cyclable jusqu’au centre de Salta. Nous prenons possession d’une grande maison de 150 m² dans un quartier plutôt huppé de la ville.
Ces quelques jours sur place nous permettront de retrouver Guiseppe, notre compagnon italien croisé à trois reprises déjà, la famille Permanne qui voyage en camion et Luis, un cyclovoyageur Bolivien rencontré en route.

1 commentaire:

  1. dites-donc, c'est vraiment exceptionnel. pas bcp de gens peuvent faire ça. peut-être une famille sur 100 000, et encore, je me demande si je ne sous-estime pas. vous prenez du Benco?

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