Jeudi 17 août.
Retour d’Amazonie au petit matin. Nous retrouvons la casa d’Oscar pour nous
reposer et organiser la suite du voyage.
La route entre La Paz et le parc national de Sajama, notre prochain
objectif, est une succession de longues lignes droites à travers l’altiplano. Rien
de très enthousiasmant, nous prenons la décision de shunter ces 300 km. Grâce à
Alice de l’agence Terra Bolivia nous trouvons un chauffeur. Sensible à notre
démarche, elle ne prendra aucune commission et nous payerons le chauffeur en
direct. Trop sympa !
Vendredi 18.
Notre film est projeté à l’alliance française. C’est un flop. Le directeur
que nous avions entre-aperçu la semaine passée nous avait fait mauvaise
impression : froid, distant, nous l’avions trouvé bizarre.
Les deux employés dépêchés sur place ne nous adressent pas un mot, pas un
sourire, et nous ouvrent les portes cinq minutes avant la projection alors que
nous attendons depuis trois quarts d’heure dans le froid. Dans la salle, trois
personnes. Oscar, qui nous loge, devait venir avec cinq amis, mais il est
bloqué dans un accident. On aurait pu être neuf ! La communication sur
notre film n’a pas été faite. Bref, on nous a fait perdre notre temps et on
s’est un peu moqué de nous. Tant pis !
Samedi 19.
Nous nous lançons sur la route des
Yungas, située à une cinquantaine de kilomètres de La
Paz, reliant la capitale bolivienne à la forêt
amazonienne.
Connue sous le nom de route de la mort, il s’agit d’un ancien itinéraire partant
de 4 650 mètres
d’altitude, descendant sur près de 70 km, et arrivant à 1 100 mètres.
Cette route, connue pour sa dangerosité, tuait entre 200 à
300 voyageurs chaque année avant que la nouvelle ne soit construite.
La première partie de la descente se fait sur route asphaltée, la
seconde sur une piste parfois très étroite avec de vertigineux précipices. Sur
les vélos, il n’y a certes par endroit pas le droit à l’erreur, mais ce n’est
pas très impressionnant, les pourcentages étant faibles et le ravin souvent
hors de notre champ de vision. La végétation change, nous enlevons nos
épaisseurs au fur et à mesure que la chaleur et la moiteur se font sentir. Ce
n’est pas du grand VTT, mais ce n’est pas tous les jours qu’on peut faire près de
3 500 m de dénivelé négatif d’un coup !
Bien qu’ayant roulé sur des vélos de location en piteux état, c’est une
belle expérience et nous passons une super journée. Nous rencontrons Fernanda
et Wagner, un couple de Brésiliens hyper sympas qui offrira aux enfants une
descente en tyrolienne au-dessus de la forêt tropicale.
Dimanche 20.
A 10h Adolfo vient nous chercher devant chez Oscar. C’est lui qui nous
conduira jusqu’à Sajama. Il monte, range et attache méticuleusement les vélos
sur le toit de son gros Land Cruiser.
Nous mettons cinq heures pour faire un trajet qui nous aurait sans doute pris
quatre ou cinq jours à vélo. Aucun regret, seuls les cinquante derniers
kilomètres auraient valu le coup.
Nous découvrons le petit village de Sajama et la montagne du même nom,
culminant à 6 542 m. Nous enfourchons nos vélos pour une remise en jambe
après presque deux semaines d’arrêt.
Les aguas termales nous attendent. Quelques Boliviens sont venus
finir le week-end en famille. Les enfants se baignent avec eux, pendant que nous
montons le camp face au plus haut sommet de Bolivie.
Lundi 21.
Nous sommes à presque 4 300 m d’altitude. Cette nuit, la température a
sans doute atteint les -15°C. Rien de tel qu’un bon bain pour se réchauffer. L’eau est à presque 40°C.
Nous en profitons à fond et nous ne reprenons les vélos qu’à 11h.
Nous partons faire une boucle dans le parc national de Sajama. Nous
empruntons des chemins qui relient des fermes isolées à la piste principale. Ce
n’est pas très adapté au vélo mais le paysage est de toute beauté.
Le sable, omniprésent, nous oblige à pousser les vélos à de nombreuses
reprises. Nous mettons trois heures pour faire les dix premiers kilomètres… Il
y a des kilomètres qui comptent doublent, ceux-là comptent triple.
Nous sommes de retour à Sajama, épuisés. Nous avons réservé deux chambres
dans un petit hôtel pour quelques jours. Au programme, randonnées.
Mardi 22.
Comme dans toutes les habitations où il nous a été donné de dormir jusqu’à
présent, il n’y a pas de chauffage. Les fenêtres de nos chambres sont
recouvertes de givre. Il n’aurait pas fait plus froid dans notre tente. Le réflexe
est le même qu’en bivouac : sortir profiter des premiers rayons du soleil,
toujours au rendez-vous.
Nous passons la journée en randonnée, avec en point d’orgue un tour dans
les geysers, nous offrant une connexion avec les entrailles de cette terre que
nous aimons parcourir.
La fin de journée est consacrée à la recherche d’un guide qui acceptera de
nous emmener faire un 6 000 m avec les enfants. Comme souvent en Bolivie,
tout est possible. Ariel nous emmènera jeudi faire l’Acotango (6 052 m).
Mercredi 23.
Petite randonnée matinale jusqu’au mirador Montecielo : il ne faut pas
trop en faire avant notre ascension du lendemain. Au programme de l'après-midi : repos et hydratation.
Jeudi 24.
Va-t-on réussir à monter jusqu’au sommet ? Comment nos corps vont
réagir à cette altitude jamais atteinte ?
Nous partons à 4h du matin avec Ariel. Deux heures de 4×4 sur une horrible
piste sont nécessaires pour rejoindre le point de départ de l’ascension de l’Acotango.
Les torrents sont gelés, l’odeur de souffre est forte. Nous sommes proche d’une
mine, à quelques centaines de mètres en amont.
Nous débutons l’ascension à la frontale, mais le soleil se lève vite. Nous
avions demandé à Ariel de ne pas partir trop tôt pour de ne pas avoir à marcher
dans le froid trop longtemps. Le vent est cependant relativement fort et il n’est
pas question de quitter nos épaisseurs malgré l’effort et le rayonnement
solaire qui s’intensifie.
Les premiers signes de l’altitude se font sentir pour Anatole aux alentours
des 5 400 m. Il se plaint de maux de ventre. Lison, elle, est prête à s’endormir
à chaque pause, mais son souffle est bon et sa motivation intacte. Les parents
se sentent bien. Nous nous hydratons et mangeons régulièrement. La progression
est lente, basée sur le rythme d’Anatole. Il fait preuve de beaucoup de courage. Même si la pente du pierrier se fait
de moins en moins stable et de plus en plus raide, il veut continuer. Jusqu’à
la crête, jusqu’au glacier.
Nous nous arrêtons souvent. Anatole veut chausser les crampons. Pas question de
défaillir. Il progresse au mental, nous l’encourageons mais nous sommes quasiment
certains qu’il faudra bientôt redescendre.
Ça y est, nous y sommes : la crête, la neige, la glace et
les pénitents, ces pics sculptés par le vent. Anatole se sent mieux. Il est si
content d’être arrivé jusque-là. Mais il veut continuer, encore plus haut.
Nous chaussons les crampons. C’est une première pour les enfants. C’est
ludique et le paysage est époustouflant. On ne pense plus à la douleur, ni au
souffle court.
La pente est plus douce, la progression est régulière. Jusqu’à l’approche
du sommet.
Les douleurs d’Anatole reprennent, mais il ne craque pas. Pas après pas, on
va y arriver, tous ensemble.
« La cumbre, la cumbre ». Ariel encourage Anatole.
Lison, surmotivée, atteint le sommet la première. Nous suivons, encadrant
Anatole.
On l'a fait !
L’émotion est intense.
Il ne faut pas trop s’attarder. Même si on resterait des heures à regarder
le paysage, Ariel nous invite à redescendre afin d’éviter les maux de tête.
Marche arrière donc. Nous quittons les crampons, un peu plus bas. Nous
fonçons pleine pente dans un fin pierrier, meuble et doux, parfait pour dévaler
ce que nous avons tant peiner à gravir. Six heures de montée pour une heure et
demie de descente !
Nous arrivons à la voiture, fatigués mais tellement heureux d’avoir réussi ce petit
défi en famille.
Vendredi 25.
Après 12h de sommeil, tout le monde semble avoir bien récupéré. Anatole a
repris du poil de la bête, il fait ses blagues habituelles.
Nous lavons nos habits, nous faisons quelques courses, nous préparons la
suite du voyage.
Demain nous quitterons Sajama, et provisoirement la Bolivie. A nous le Chili.
Nous sommes toujours ébahis par vos aventures et vos photos. Nous supposons qu'un physicien tient la plume car nous avons dû chercher le sens de shunter dans le dictionnaire. Ce qui nous a remémoré notre cours de physique de seconde littéraire avec le shunt du galvanomètre .....
RépondreSupprimerBonne continuation ! Hasta luego !
Rodrigo y Conchita
Bonjour à tous les 4, que d'émotions de vous lire! J'avais des frissons en lisant votre ascension . Quel beau moment cela doit être! Bravo à Anatole pour la rédaction de certains textes. Il a déjà une belle plume. Je vous lis régulière , vous me faites rêver. Merci et Bravo.
RépondreSupprimerGéniale votre ascension ! Bravo à vous 4 et surtout à Anatole et Lison qui font preuve d'un incroyable courage !
RépondreSupprimerChristelle & Daniel
Très bonne continuation à vous, bravo pour vos exploits, nous apprécions vraiment vos résumés et vos photos.
RépondreSupprimerCéphise Êléa et Liehane
6000... eh bin. Vous êtes des aventuriers, peut-être aussi de doux dingues... je ne sais pas! :)
RépondreSupprimerLes photos sont encore très belles et on y voit notamment la couleur de la roche. Sinon je crois que la nuit, on voit très très bien les étoiles dans ces endroits. ça fait un peu un truc, enfin en principe ça fait un truc : on dirait qu'on a un plafond lumineux de chez Babymoov.
Bravo les amis pour cette prouesse. Bonne continuation !
RépondreSupprimerLes Roux
Impressionnant !
RépondreSupprimerBravo à tous les quatre, et en particulier aux enfants qui nous épatent.
On pense à vous, à ces superbes endroits qui ne nous sont pas inconnus pour certains d'entre eux, et on vous souhaite encore plein de belles choses.
On vous embrasse
Françoise et Patrick
Merci pour toutes ces belles photos et de partager cette magnifique aventure. Vous me faites rêver 😍. Bravo à vos enfants pour leur courage, bonne route
RépondreSupprimerLe bonjour de Davaye aux esploradores !
RépondreSupprimerAvec endurance et motivation avancez bien.
J'apprécie ces textes top bien rédigés. A suivre alors !
Félicitations à vous pour cet exploit familial. La force du mental.... 🙂Nous vous suivons très régulièrement et on en prend plein la vue.Merci pour ce beau voyage que nous faisons aussi grace à vos écrits et photos . A bientôt . Noelly
RépondreSupprimer6000m O_o'
RépondreSupprimerJe veux bien que cela ne soit pas 6000m+, mais la grimpette à 0,5 bar ça doit être tendu quand même! C'est beau qu'il n'y ait eu que des maux de ventre ♥
Et puis c'est beau tout court en fait ♥
Préservez-vous tout de même, vous avez encore de long mois devant vous là-bas ♫
Cocu Locu
Toujours époustouflé de vos exploits, émerveillé de vos photos et passionné de vos récits
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