Samedi 26 août.
Nous commençons la journée par 10 km de piste sablonneuse pour quitter le
parc national de Sajama. Le profil est légèrement descendant, nous n’avons pas
à pousser les vélos.
Nous arrivons ensuite sur l’axe principal, asphalté. Il nous reste 20 km pour
gagner la frontière et passer au Chili. Située à 4 700 m d’altitude, il
faut jouer du braquet pour gravir cette partie de route qui relie la capitale
bolivienne à la côte pacifique. Souvent chargés de containers venus de Chine, les
camions sont nombreux. A l’approche du poste frontière, la file est interminable.
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Pas de queue pour nous, nous passons côté véhicules de tourisme. Nous
sommes les seuls dans cet immense hangar, glacial et sur-éclairé par une
lumière blanche qui met mal à l’aise. Les douaniers ne sont pas en reste.
Aucune explication, aucune formule de politesse, on est trimbalé d’un bureau à
l’autre sans trop savoir ce qu’il faut faire. Nous devons décharger nos vélos
et faire passer un à un tous nos bagages au scanner. Au Chili, il est impossible
de faire rentrer des graines et des produits
frais (entre autres, la liste est longue). Nous avons donc pris soin d’engloutir un fromage entier et nos dernières
bananes quelques minutes plus tôt. Il nous reste cependant deux malheureuses
oranges que nous nous faisons confisquer. Malgré notre inquiétude, nos deux
machettes et notre énorme sac de fruits secs planqués au fond des sacoches
passent le contrôle.
Nos passeports sont finalement tamponnés et l’immensité des paysages de
cette région désertique s’offre désormais à nous.
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Après une bonne descente, nous quittons la route principale pour nous
engager sur une piste sillonant le parc national de Lauca et celui du volcan
Isluga. 200 km nous attendent sur la route A95 : notre traversée du désert commence.
Nous bivouaquons quelques kilomètres plus loin dans une ruine, face à
l’Acotango. L’endroit est un peu exigu pour notre grande tente et nous nous
épuisons à défricher le sol pour lui faire une place
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Dimanche 27.
Un nouveau col à 4 700 m d’altitude nous attend sur une piste alternant
sable, cailloux et tôle ondulée. La pente relativement faible nous permet
cependant de progresser à un bon rythme et de pouvoir profiter du paysage. La
route est aussi appelée route des vigognes. Fines, élancées et peureuses, elles
cheminent par petits groupes, s’enfuient rapidement à notre approche mais restent
à distance raisonnable pour se laisser observer.
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Après le pique-nique du midi où nous finissons notre dernière ration de
pain, nous rejoignons une piste plus large, bien plus roulante. Nous avons l’impression
d’être seuls au monde, et en l'absence de vent il règne un silence absolu...
Jusqu’au passage d’un premier camion. Nous sommes en fait sur une piste qui
mène à une mine de borax. Cela explique la qualité du revêtement, entretenu et
arrosé régulièrement pour tasser le sol et éviter la poussière. Ces mastodontes
thermiques, compagnons de route, ne sont pas dérangeants. Finalement peu
nombreux, ils nous doublent ou nous croisent avec précaution. Nous avons
systématiquement droit à un salut amical et des encouragements.
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A Guallatire, petit village en partie abandonné, nous nous arrêtons. Subsistent
une église, un petit site militaire et un refuge, malheureusement fermé. Nous plantons la tente
à côté de l’église, face au volcan Guallatiri, toujours en activité.
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Lundi 28.
Malgré l’aspect désertique de la région que nous traversons, nous n’avons pas
d’impression de monotonie : les paysages, les couleurs, le relief changent
sans cesse.
Peu avant le pique-nique de midi, un camionneur s’arrête pour nous donner
du pain. Il remplacera avantageusement nos crackers qui accompagneront nos
conserves de thon.
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La fin d’étape est éprouvante. Le vent se lève et s’intensifie petit à
petit, nous l’avons de face. Nous atteignons le salar de Surire. C’est aussi l’entrée
de la mine. C’est donc la fin des camions mais aussi le retour d’une piste cassante qui freine notre progression.
Nous arrivons bien fatigués au refuge du salar. Fermé et sans garde à l’horizon,
nous nous résignons à planter la tente.
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Mardi 29.
Les viscaches nous observent prendre notre petit-déjeuner. Nous faisons le
plein d’eau puis reprenons la route. L’étape est magnifique mais toujours aussi
exigeante physiquement. Le vent est capricieux, de petites tornades apparaissent. Nous mangeons à 4 700 m d’altitude, affamés.
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Au village abandonné de Mucomucone, nous nous installons pour la nuit dans
une ruine. C’est un deux pièces : une chambre où nous installons nos
couchages et au-dessus de laquelle nous tendons notre tarp, et un salon où nous
faisons un feu. Nous emmagasinons suffisamment de chaleur pour passer une nuit bien
au chaud dans nos duvets.
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Mercredi 30.
Au milieu de nulle part, nous sommes réveillés par des cloches de lamas. Un
berger vient à notre rencontre, tout heureux de nous parler. Cela fait plus de 36 heures que nous n'avons vu âme qui vive. Au loin, il nous montre sa
maison. Quatre personnes habitent cette immense pampa : une dame,
un couple et lui. Nous venons pour la nuit de doubler la densité de population
de la région. Il repart sur son vélo accompagné de son chien. Nous prenons la
même route, en sens inverse.
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Les pistes parallèles sont nombreuses, il faut choisir la moins pire.
Aucune n’est satisfaisante. Il faut choisir entre peiner à pédaler dans du
sable meuble, au risque de devoir poser pied à terre et reprendre de la motricité
sur de la tôle ondulée. Dans ce cas, les vélos sautent dans tous les sens. Le
contenu des sacoches est mis à rude épreuve. Ce matin nous avons emballé soigneusement
notre bouteille d’huile d’olive en espérant ne pas reproduire la catastrophe de
la veille…
Ce no man’s land, cette bande désertique frontalière est aussi un espace de
contrebande et de trafic. Curieusement l’Etat chilien y a installé le wifi. Dans les quelques villages abandonnés que nous croisons, nous découvrons des
sacs entiers d’habits contrefaits.
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Nous retrouvons ensuite un profil plus descendant et une rivière. Un bébé alpaga
croise notre route. Il semble perdu. Il nous suit, prenant sans doute le vélo
de Cécile pour sa maman. Dans un petit hameau, Anatole le prend dans ses bras pour le mettre dans un enclos fermé où, on l’espère, il retrouvera les siens.
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Nous finissons l’étape aux thermes d’Enquelga, au pied du volcan Isluga.
Double ration de pâtes pour tout le monde.
Jeudi 31 août, vendredi 1er septembre.
Nous arrivons quasiment à bout de nos vivres. Il est temps de retrouver la
civilisation et de nous ravitailler.
Nous retrouvons l’asphalte 8 km avant la frontière. Même avec un vent de trois
quarts face, on a l’impression de rouler à la vitesse de l’éclair.
Nous arrivons à Colchane, côté chilien : c’est le calme plat, il règne une
ambiance de fin du monde, les sacs plastiques retenus par les branches des buissons
flottent au vent, les bouteilles vides et détritus en tout genre jonchent les
fossés. Quelques carcasses de voitures dépouillées ou calcinées invitent à ne
pas trop s’attarder. A l’approche du poste frontière l’odeur d’urine est prégnante,
deux ou trois vendeurs ambulants tentent des éclats de voix pour nous amadouer.
Les formalités administratives se font un peu plus rapidement que celles de
la semaine précédente. L’accueil est « légèrement » plus cordial mais
ce n’est quand même pas une mince affaire de faire décrocher un bonjour à un
douanier. Quand on s’y met à quatre, ça peut marcher. Un fonctionnaire, levant
la tête de son téléphone, se paye même la fantaisie de nous faire un pouce. On
espère qu’il n’aura pas de problème avec sa hiérarchie.
Côté bolivien, nous sommes à Pisiga. Autre pays, autre ambiance : du
monde partout, des dizaines de camions arrêtés le long de la chaussée, des
rabatteurs criant les destinations des bus et des collectivos, d’innombrables
mini bureaux de change, collés les uns aux autres, de la street food tous les
cinq mètres, des épiceries, des hôtels et tout ce qu'il faut pour passer la nuit.
Tout se passe ici : la vie est trois fois moins chère que du côté chilien.
Nous trouvons sans peine à manger un poulet-frites puis nous investissons un
hôtel de fort belle facture.
Un bon décrassage et un peu de repos ne nous feront pas de mal.
Que d'aventures vous nous faites vivre à travers votre récit c'est un régal, on a l'impression de pédaler a vos cotes.
RépondreSupprimerFamille de Timothee
C’est toujours un plaisir de voyager avec vous par le récit de vos aventures, avec les belles photos, sans la fatigue du vent et de la poussière 😉. Merci de nous part tout cela. On vous sent plein de vitalité et c’est chouette de pouvoir vous accompagner. Bonne route. Ici, c’est le paysage vendange qui s’installe.
RépondreSupprimerBises à tous.
Incroyable tout ça ! Ça a dû faire bizarre de se retrouver seul pendant quelques jours...
RépondreSupprimerContinuez à fond et profitez bien !
Mael :) (ami du pôle sud)
Vous êtes au Chili mais c'est bien en France que je peine à afficher vos photos :D
RépondreSupprimerSuperbe et angoissant, ce no man's land ensoleillé et poussiéreux. Cela semble ne pas laisser de place au repos. Une de vos rares étapes dont je ne suis pas envieux ♥
coucou loucou
Géniale votre description...On y est! On imagine sans peine le vent, la solitude et les magnifiques paysages!
RépondreSupprimerChristelle & Daniel
Les photos sont magnifiques, nous pensons bien à vous, Tom nous parle très souvent d'Anatole, il est content de vous suivre en classe avec Véronique aussi ! Bisous des Brossard
RépondreSupprimerDes paysages radioses et désertiques. Des mollets et un moral d'acier ! Bravo à tous les quatre. On admire votre courage et votre ténacité ! Très cordialement. Famille Paillou
RépondreSupprimerRoulez bien les amis. Bises. Les Ecarot
RépondreSupprimerCertes beaux ces paysages, mais aussi hostiles.....Vous en avez sûrement "bavé "en les traversant et on imagine la vie des rares personnes qui y habitent en permanence ( les autres ont abandonné leurs villages que vous trouvez en ruines ) !!
RépondreSupprimerBon courage pour la suite !
M.Ferien
Je trouve aussi tout ça très chouette, et aussi je pense comme d'autres ici qu'il doit y avoir de la dureté. Est-ce raisonnable de s'infliger une telle dose de sport? bah moi je pense que c'est compliqué de répondre, je ne vous pose pas la question du coup.
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